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Recit marguerite carre

RECIT – Sur la piste de Marguerite CARRE

Le 07/03/2023

Lorsque l’on recherche ses ancêtres, il n’est pas rare de tomber sur un individu récalcitrant, qui nous donne du fil à retordre pour retrouver ses origines. Surtout lorsque l’on arrive au 17e siècle ou plus. On passe alors des heures à lire et relire les actes à notre disposition dans tous les sens, on fait des hypothèses, on se trompe, on finit par laisser tomber... Jusqu’à ce que la curiosité nous pique à nouveau.

Ca m’est arrivé aussi. Et aujourd’hui, je vous propose de me suivre sur les traces de Marguerite CARRE, ma SOSA 2885.

Tout commence avec le mariage du fils de Marguerite, Jean Joseph JOUVENEL. Jean Joseph se marie à Baudinard-sur-Verdon le 23 novembre 1728 avec Elisabeth SIMON. Sur son acte de mariage, il est indiqué qu’il est le fils de Georges JOUVENEL et Marguerite CARRE, information confirmée par son acte de naissance en date du 16 décembre 1708. Viens alors la recherche du mariage de ses parents, Georges et Marguerite.Ce mariage a eu lieu à Baudinard également, en date du 08 février 1696. Problème: l’acte mentionne très peu de choses, et surtout, il ne mentionne pas les parents des époux. Autre problème: les registres en ligne pour Baudinard ne vont pas au delà de 1662. Entre 1662 et 1696: aucune trace des naissances de Georges ou Marguerite.

Les actes de décès des époux ne sont pas non plus d’une très grande aide. Georges décède le 26 décembre 1731 à l’âge de 80 ans, sans autres renseignements. Quant à Marguerite, elle décède le 02 juillet 1738, sans précision d’âge, avec pour seule information qu’elle est veuve de Joseph JOUVENEL. Encore une fois, aucune mention des parents des époux.

Retour alors sur l’acte de mariage des époux. Celui-ci est très mal écrit, l’encre s’efface en partie, mais soudain, quelques éléments apparaissent concernant Marguerite. En effet, elle a obtenu plusieurs autorisations afin de pouvoir se marier: l’autorisation de l’archevêque de Grenoble, de son beau-père et du curé de la paroisse de l’Albe… (la fin du mot étant effacée). C’est donc un premier indice concernant l’origine de Marguerite: elle n’est pas originaire de Baudinard. Il va donc falloir chercher sa famille dans le diocèse de Grenoble.

La première étape consiste à identifier la paroisse exacte dont elle est originaire, j’ai donc cherché dans la liste des communes disponibles sur le site des archives départementales de l’Isère la commune dont le nom était le plus ressemblant. Bingo: paroisse de l’Albenc.

Identifier la paroisse est très bien, mais ce n’est pas suffisant pour retrouver la famille de Marguerite. A moins de se lancer dans un relevé complet des archives, cela s’apparentera vite à chercher une aiguille dans une botte de foin. Il me faut donc plus d’indices pour avancer.

Retour, une nouvelle fois, sur l’acte de mariage de Marguerite et Georges. Il y est indiqué que Marguerite est autorisée à se marier par son beau-père, sans que son nom ne soit mentionné. Malgré tout, cela donne un indice supplémentaire: Marguerite, au moment de son mariage, est orpheline de père, son père est donc décédé avant 1696 et sa mère s’est probablement remariée, encore une fois avant 1696. L’acte indique enfin que le curé de Baudinard a signé l’acte avec les témoins présents, et la dite Marguerite CARRE, mais pas son jeune mari qui ne savait pas signer. J’en déduis donc que Marguerite avait un certain niveau d’instruction, et que celui-ci était supérieur au niveau d’instruction de son mari. On distingue d’ailleurs très nettement sa signature sous l’acte. On distingue également une deuxième signature, en plus du curé, qui semble se lire “Ogier”. Je fais alors l’hypothèse et le pari suivant: il s’agit peut-être du beau-père de Marguerite, puisqu’il est précisé qu’il donne son consentement au mariage, mais pas que ce consentement est donné par écrit.

J’ai donc entrepris d’éplucher tous les mariages de la commune de l’Albenc à partir de 1696, en remontant vers 1600, en espérant tomber sur un mariage d’un certain Ogier. Ce fut long, mais le miracle est arrivé.

Le 14 février 1673, un certain Esprit OGIER, chirurgien, fils d’Ennemond, se marie avec une certaine Magdeleine CHEVAL, veuve d’un certain Jean CARRE, en son vivant praticien. Tout concorde, le nom du second époux, le nom du premier époux. Le niveau d’éducation, puisque le métier de praticien au 17e siècle peut s’apparenter à 3 professions, demandant chacune un haut niveau d’étude: médecin, juriste assimilable à un clerc de notaire ou un notaire seigneurial ayant des connaissances en droit mais pas de diplôme de notaire. Cette fonction - et celle du beau-père - peuvent expliquer pourquoi Marguerite aurait reçu une éducation plus élevée que le reste des femmes. Reste à vérifier qu’il s’agit bien là de la mère et du beau-père de Marguerite. 

Si Magdeleine se remarie en février 1673, cela signifie que Jean est décédé avant cette date. Je reprends alors les registres mais recherche cette fois le décès de Jean, que je retrouve finalement le 15 mars 1672 à l’Albenc. Ainsi, si Jean et Magdeleine sont bien les parents de Marguerite, cela signifie que cette dernière est née avant mars 1672. 

Je remonte une dernière fois les actes en me concentrant cette fois sur les naissances. Je trouve la naissance d’un garçon, François, le 26 juillet 1671, puis celui d’une fille le 13 juin 1668.

Et cette fille, elle se prénomme Marguerite. Marguerite CARRE, de la paroisse de l’Albenc, belle-fille d’un certain OGIER. Je l’ai donc enfin retrouvée.

Marguerite aura eu 3 autres frères et soeurs germains: Gasparde née le 16 février 1666, Christophle le 11 mai 1664 et Françoise née vers 1660 et décédée en 1672. Elle aura également 3 soeurs utérines: Jeanne en 1673, Claire en 1677 et décédée en 1682 et Claudine en 1678.

Quant à Georges, malheureusement, je n’ai pour l’instant pas plus d’informations concernant sa famille à lui. Il semblerait qu’il soit originaire de Baudinard. Rien n’explique comment il a été amené à épouser une femme plus éduquée que lui, mon hypothèse étant qu’il devait être propriétaire terrien. Ils auront ensemble au moins un fils, Jean Joseph, dont nous parlions au début, et à ce jour, pas d’autres enfants connus.

Il reste encore des zones d’ombres et des sources à exploiter, notamment les archives notariales. Car le contexte m’amène à penser qu’il existe probablement des contrats de mariages et des inventaires, des successions, etc. 

 

Focus cimetiere

FOCUS - L'intérêt des cimetières en généalogie

Le 27/02/2023

Ressource souvent oubliée, les cimetières représentent pourtant une vraie mine d’or pour tous les amateurs de généalogie pour peu que l’on s’y intéresse, et que l’on sache quoi chercher.

Que peut-on apprendre dans un cimetière ?

Si l’on connaît le lieu d’inhumation d’un défunt, cela vaut le coup de faire un détour par le cimetière de la commune. Si depuis le milieu du 20e siècle - voire depuis la 2nde Guerre Mondiale, on assiste à une plus grande mobilité des populations, et donc un éclatement géographique des familles, il est généralement plus aisé de localiser le lieu d’inhumation d’un défunt jusqu’au début du 20e siècle. En effet, la plupart du temps, les défunts étaient inhumés dans le cimetière de leur commune de décès, qui correspondait elle-même généralement à leur lieu de résidence.

Si l’on parvient à retrouver la tombe d’un ancêtre ou d’un membre de la famille, et que celle-ci s’avère encore en bon état, on commence par déchiffrer les inscriptions présentes sur la pierre tombale elle-même, et sur les plaques funéraires qui peuvent l’agrémenter. Ainsi, on apprendra les noms, prénoms et dates de naissance et décès (ou au minimum, les années), des défunts. Si les défunts sont enterrés dans une concession familiale, alors vous aurez la chance de découvrir d’autres membres de la famille. Les relations qui unissent les différents défunts peuvent être très diverses: parents et enfants, grands-parents et arrières-grands-parents, frères et sœurs, oncles et tantes, cousins, etc.

Il faut également prendre le temps de regarder les plaques commémoratives et les plaques souvenirs qui ornent la tombe. En effet, celles-ci peuvent nous donner des informations supplémentaires sur la famille, surtout lorsqu’il s’agit d’une tombe pour un défunt seul ou simplement un couple. “A notre mère, grand-mère”, “à mon cousin, “à ma soeur”, “à mon parrain”, ce sont autant d’hommages qui nous apprennent à mieux connaître le tissu familial du défunt, surtout lorsque celui-ci n’est pas votre ascendant direct mais issu d’une branche collatérale.

Enfin, l’état général de la tombe est également une source d’indices: une tombe propre, bien entretenue, agrémentée de fleurs fraîches ou d’ornements neufs laissent penser que de la famille proche se rend encore sur la tombe. A l’inverse, une tombe en mauvais état, abîmée, dont les gravures sont rendues illisibles par le temps, dont les ornements sont eux-mêmes vétustes, dégradés voire totalement absents suggèrent que la tombe n’est plus visitée depuis des années. L’absence de visite peut avoir plusieurs explications: le défunt n’a plus de famille proche, la famille vivante vit trop loin ou est trop âgée pour se déplacer, ou le lien familial unissant le défunt à sa famille est trop ténu pour que les ayants-droits s’intéressent encore à la dernière demeure du défunt.

Quels sont les pièges à connaître ?

Premier piège: l’absence de plaque funéraire ou de gravure sur la pierre tombale. Vous parvenez à retrouver la tombe de membres de votre famille, mais vous ne trouvez aucune mention d’un individu en particulier. Vous pensez alors logiquement que cela signifie que l’individu a été inhumé ailleurs. Et pourtant, ce n’est pas forcément vrai. En effet, il arrive parfois qu’aucune plaque funéraire ne soit faîte au nom du défunt (par exemple, par manque de moyens financiers), ou que la plaque soit endommagée au point de finir en morceaux et d’être jetée. En conclusion: un défunt peut être inhumé dans une tombe sans que cela soit reflété sur la tombe elle-même.

Second piège: l’absence de tombe. Vous avez parcouru le cimetière de long en large mais aucune trace de la tombe que vous cherchez. Vous en concluez donc, encore une fois, que le défunt est inhumé ailleurs. Mais ce n’est pas forcément le cas. Si le décès est ancien, il existe plusieurs possibilités: la tombe est toujours présente dans le cimetière, mais elle fait partie de ces tombes qui sont trop dégradées pour être identifiées; ou bien la tombe existait dans le passé mais, ayant été laissée à l’abandon, l’emplacement a été repris par la mairie. Cette deuxième option peut d’ailleurs s’appliquer à une inhumation relativement récente (moins de 50 ans) qui se serait fortement dégradée ou dans le cas d’une concession non perpétuelle qui serait arrivée à échéance et n’aurait pas été renouvelée.

Comment savoir où un défunt est inhumé ?

La première possibilité consiste à se rapprocher de la commune de décès du défunt afin de savoir s’ils ont des archives concernant les achats de concessions, les différentes inhumations et les transports de corps. Seul problème: les archives sont souvent incomplètes, surtout lorsque le décès n’est pas récent. Depuis la fin des années 90 et le début des années, des systèmes informatiques ont été mis en place afin d’informatiser les informations. Cela permet de garder des traces plus précises des inhumations récentes et parfois des évènements plus anciens.

Il existe également des ressources en ligne qui peuvent être d’une grande aide: 

  • le projet Sauvons nos Tombes sur Généanet: projet collaboratif permettant la prise en photo des cimetières et l’indexation en ligne des tombes;
  • le service Localiser une tombe sur Cimetière de France, qui permet de retrouver des tombes - plutôt récente - qui ont été indexées;
  • Certaines communes, comme la ville de Marseille, offrent un accès à une base de données en ligne regroupant toutes les inhumations dans leurs cimetières communaux à partir d’une certaine date. Ces bases de données permettent également de localiser les tombes à l’intérieur des cimetières.

Quelles sont les règles à respecter ?

Bien entendu, les cimetières sont des lieux de recueillement et de mémoire, il est donc nécessaire d’observer certaines règles: ne mangez pas, ne buvez pas (sauf un peu d’eau, mais on évitera de sortir des boissons de type soda), respectez les lieux et les tombes, évitez au maximum de marcher sur les marbres et si c’est nécessaire, restez le plus possible sur les côtés des tombes, ne dégradez pas et ne récupérez pas d’objets ornant les tombes.


 

Dans un prochain article, nous reviendrons plus en détail sur les procédures de reprises de concessions réputées abandonnées.

 

Re cit veuve noire

La veuve noire d'Artignosc

Le 18/02/2023

Qui était donc Marie GAILLEUL ? Mariée à trois reprises à des hommes plus âgées, mère de nombreux enfants dont un certain nombre nés de père inconnus, l’histoire hors norme de cette femme nous laisse interrogatifs. Etait-elle une femme pauvre ayant besoin d’un époux pour survivre ? Ou bien une veuve noire épousant des hommes beaucoup plus riches ? 

Découvrons ensemble son histoire.

Marie, connue à l’état civil sous les prénoms de Marie Delphine, naît à Artignosc-sur-Verdon (Var) le 05 novembre 1778. Elle est la fille de Barthélémi, tisseur à toile du village, et de sa femme Elisabeth TERRASSON. L’étude démographique du village montre qu’il s’agit d’un village plutôt modeste, bien moins riche que son voisin Baudinard-sur-Verdon, peuplé en majorité de cultivateurs et artisans.En 1742, le village est touché par une épidémie, peut-être la grippe, qui décime un grand nombre d’habitants. D’autres épisodes auront lieu ici et là. Marie est l’ainée de sa fratrie, arriveront derrière elle trois petits frères: Honnoré né 1780 et décédé à l’âge d’un an; Louis né en 1781 et décédé à l’âge de 2 mois; et Jean Louis né en 1785 et qui se mariera en 1808.

Nous ne savons pas grand-chose de son enfance. Elle grandit avec ses deux parents et son frère, à travers les affres de la Révolution, et connaîtra les débuts de la République et le calendrier républicain.

Le 09 février 1801, Marie épouse Pierre CONSTANS, simple cultivateur, son premier époux. Elle est âgée de 23 ans, son époux en a 65. Ils auront ensemble 5 enfants malgré l’âge avancé de Pierre: 

  • Pierre Barthélémi Hilaire, né en 1802, décédé en 1817 à l’âge de 15 ans;
  • Jean, né en 1806, décédé 2 semaines plus tard;
  • Sauveur Pierre, né en 1807, décédé en 1880;
  • Marie Magdeleine, née en 1810 et décédée en 1811;
  • Sébastien, fils posthume né en 1812, décédé en 1855.

A la naissance de ses enfants, Pierre était très âgé: 66 ans à la naissance du premier, 75 ans à la naissance du dernier. Un témoin des naissances revient souvent, un certain Antoine FOUQUE, voisin du couple. Pierre décède finalement le 29 juin 1811, il ne verra jamais la naissance de son dernier fils. Bien que les dates de conception présumées correspondent, l’écart d’âge entre les époux et l’âge avancé de Pierre posent question. Était-il encore capable, physiquement, d’engendrer une descendance ? Était- il vraiment le père des enfants ? Le doute demeure, et s’installe doucement.

Entre-temps, Marie perd ses deux parents. D’abord son père, Barthélémi, en 1802, puis sa mère Elisabeth en 1810.

Suite au décès de son époux, Marie reste veuve plusieurs années. Et pourtant, elle donnera naissance à plusieurs enfants naturels:

  • Chrétienne, née en 1814, décédée en 1817.
  • Jean Baptiste, né en 1816, décédé la même année à l’âge de 9 mois.
  • Maouri Jean Baptiste, né en 1818, décédé en 1884, marié en 1843 avec Marie Catherine GIRAUD.
  • Jean Pierre, né en 1820, décédé en 1865, qui épousa en 1845 Thérèse Mélanie GIRARD.

Tous ces enfants sont nés de père inconnu. Pourtant, il y a un point commun - autre que leur mère - entre ces naissances. En effet, un témoin revient à chaque fois, et pas n’importe lequel: Antoine FOUQUE, cultivateur, dont nous parlions plus haut. Cet homme nous intéresse particulièrement. En mai 1821, il perd son épouse, Thérèse SAPE, âgée de 70 ans. Le 16 juillet 1821, il épouse en secondes noces Marie GAILLEUL. Elle est alors âgée de 41 ans, lui en a 61. C’est ce remariage qui nous amène à nous questionner sur la paternité des 4 enfants naturels. Antoine était encore marié à sa première femme au moment de la naissance des 4 enfants, mais il était témoin de chacune des naissances, avant d’épouser la mère des enfants. Était-il donc leur père ? On ne le saura pas car les enfants ne seront jamais reconnus.

Quant à Marie, elle épouse de nouveau un homme plus âgé qu’elle. 

Ensemble, ils auront une fille, Marie Ildurine, née en 1826 (Marie avait 45 ans, son mari 65), qui décédera en 1830 à l’âge de 5 ans.

Marie perd son second époux le 21 septembre 1837. Antoine était âgé de 76 ans, Marie en avait 56.

Elle poursuit sa vie de veuve pendant 10 ans, et l’on pourrait penser que l’histoire s’arrête là jusqu’à son décès. Mais non. A l’âge de 69 ans, le 30 avril 1847, elle se marie une troisième fois à Artignosc, avec Jean Joseph REYNIER, propriétaire veuf âgé de 75 ans. Ils n’auront évidemment plus d’enfants ensemble à leur âge avancé. Marie sera grand-mère plusieurs fois, et finira ses jours d’abord avec son 3e époux, qui décédera 4 ans plus tard en 1851. Puis seule. Elle décèdera en 1856 à l’âge honorable de 78 ans, après une vie familiale et maritale bien remplie.

Alors, que peut-on penser du parcours marital de cette femme ? Etait-elle grandement dans le besoin pour se replacer sans cesse sous la protection d’un mari plus âgé ? Souhaitait-elle trouver des époux âgés pour s’accaparer leur héritage rapidement ? Pourtant, seul son 3e époux, Jean Joseph, semble avoir une fortune relative. Nous ne le saurons jamais, mais son parcours nous aura fortement marqué.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

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L'incroyable destin de “Lancelot” PHILIPPE.

Le 15/02/2023

En cette semaine de Saint-Valentin, nous vous proposons des histoires d’amour extraordinaires rencontrées au gré de nos recherches.

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Lancelot pour découvrir son destin, d’enfant abandonné à père de famille et grand-père plusieurs fois.

 

Lancelot est né le 20 décembre 1824 à Lançon-Provence (Bouches-du-Rhône) sous le seul prénom de Philippe. Trouvé par la sage-femme du village devant sa porte sur les six heures du matin, il est déclaré à la mairie sous son seul prénom, sans nom de famille, et né de parents inconnus. Son acte de naissance donne une longue description des vêtements qu’il portait au moment de sa découverte:

“Son vêtement était d’une calotte en coton blanc unie et d’un bonnet indienne rayée bleue et jaune avec dentelle noire, par dessus la calotte, en médiocre état, d’un corset indienne fond bleu, à bouquet, rapiécée, d’un linge dit escamite, en bon état, d’un lange Cadis vert rapiécé, en médiocre état, et d’une maillotte ou ceinture en coton rayé bleue et blanc en médiocre état”.

L’enfant, sans parents connus, sera confié à l’hospice civil d’Aix-en-Provence, désigné pour prendre en charge les enfants abandonnés de la région. Comme tout enfant abandonné confié à l’hospice, il se verra attribuer un numéro, et sera placé en nourrice.

Le taux de survie des enfants abandonnés placés en nourrice était très faible à l’époque. La plupart des enfants placés décédaient avant d’atteindre l’âge de deux ans. Et pourtant.

 

Nous retrouvons notre petit Philippe dans le recensement de 1836 de la commune de Sainte-Tulle. Il est alors âgé de 11 ans, et a survécu jusque là. Dans la vie courante, il ne s’appelle plus Philippe, mais il est surnommé “Lancelot”. Il vit toujours chez Antoine ALLIBERT et Marguerite ROLLAND, chez qui il avait été placé en nourrice. En 1841, à l’âge de 16 ans, il vit toujours chez ses parents nourriciers.

Puis, en 1846, on le retrouve toujours dans le recensement de Sainte-Tulle, mais cette fois-ci domicilié chez Christophe MELVE et sa femme Marie Anne RICHARD, chez qui il travaille en tant que domestique.

Il disparaît ensuite du recensement de 1851 et réapparaît en 1856 à Sainte-Tulle, domicilié seul. Qu’est-il devenu pendant ces années ? Nous n’en savons rien, on peut néanmoins supposer qu’il soit parti à l’armée.

En 1861, et jusqu’en 1870, il reprendra son poste de domestique chez Christophe MELVE.

 

En parallèle, revenons en 1849. Nous sommes le 21 décembre. Lancelot vient de fêter ses 25 ans. A Sainte-Tulle, quartier du Moulin, une petite fille vient de voir le jour. Elle s’appelle Marie Léonille OLLIVIER. Elle vivra dans ce quartier avec ses parents jusqu’en 1861.

En 1866, sa famille a déménagé dans la campagne de Sainte-Tulle, dans une grande bâtisse, où vivent un certain Christophe MELVE, sa femme… Et notre Lancelot. Il est âgé de 42 ans, Marie en a 17. C’est un coup de foudre.

 

Le 02 septembre 1870, malgré leur grande différence d’âge (25 ans), Lancelot et Marie se marient dans la commune de Sainte-Tulle. Ils y vivront jusqu’à leur mort. Lancelot est capable de signer son acte de mariage, ce qui montre que malgré son statut, il aura reçu une instruction minimale, bien qu’il fasse une faute ) son prénom. D’ailleurs, l’acte de mariage sera raturé et modifié pour retirer le prénom Lancelot, n’ayant aucune valeur légale.

Il auront ensemble 4 enfants, qui prendront pour nom de famille “PHILIPPE”. Ainsi, son seul prénom deviendra un patronyme à part entière.

  • Hélène, née en 1871 et décédée au bout de quelques heures;
  • Ernest, né en 1873, et décédé en 1874 le jour de ses 1 an.
  • Fernand, né 1876, qui se maria en 1909.
  • Marie Thérèse, née en 1882, la dernière de la fratrie. Elle se marie en 1903 avec Louis Eugène Félix JULLIEN.

Le mariage de Marie Thérèse donnera 7 enfants, dont seulement 3 atteindront l’âge adulte. Lancelot aura la chance de connaître ses 4 premiers petits-enfants.

Il s’éteindra chez lui, à Sainte-Tulle, le 05 septembre 1908, à l’âge honorable de 83 ans.

Enfant abandonné, rien ne le prédestinait à une vie si remplie. Chanceux d’atteindre l’âge de deux ans, puis chanceux d’atteindre l’âge adulte. Chanceux, à nouveau, de trouver l’amour et de pouvoir l’épouser. Chanceux, encore une fois, d’avoir une descendance pérenne et de connaître enfants et petits-enfants.